TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif) Vivre avec des TOC : entre rituels invisibles et lutte quotidienne

Dans la tête des TOC : quand l’esprit ne veut pas lâcher prise :

Le TOC fait partie de la famille des troubles anxieux. Bien que cette appellation soit familière, le TOC reste un trouble tristement incompris.

Les personnes qui en souffrent et leur entourage éprouvent fréquemment des difficultés à considérer les souffrances que le TOC génère sans émettre de jugements ou de conclusions hâtives, qui ne font qu’aggraver la situation. Cette incompréhension due à un manque de sensibilisation sur ce trouble peut être déjouée, peu à peu. Il est essentiel de définir ce qui se cache derrière le TOC, car il entraine une souffrance considérable chez les personnes qui subissent son emprise. C’est un trouble en effet extrêmement envahissant, qui altère de manière non négligeable le quotidien par son caractère très chronophage (impactant la vie sociale, professionnelle, personnelle).

Il est utile de comprendre ce qui compose le TOC afin d’éclaircir les zones de flous qui l’entoure et qui ne font qu’accentuer la sensation d’être sinistrement enfermé.e dans une lutte contre les TOC, qui semble impossible à mener. Cette confusion et cette sensation d’oppression peuvent être apaisée, en démystifiant ce trouble anxieux et en prenant conscience qu’il est possible de briser le cercle vicieux et tyrannique dans lequel il emprisonne.

Ces pensées qui s’imposent, ces gestes qu’on répète : obsessions et compulsions expliquées :

On peut définir les obsessions comme des idées, des pensées, des images ou encore des impulsions qui s’insinuent dans notre esprit, contre notre gré, en dépit des efforts que l’on fournit pour leur résister.

Elles surviennent de manière involontaire, intrusive, répétitive et envahissante. Elles sont souvent perçues comme absurdes, irrationnelles, excessives mais génèrent malgré tout une intense anxiété.

Le terme “compulsions” est quant à lui utilisé pour désigner les actes que l’on se sent contraint.e à accomplir afin d’atténuer notre angoisse ou notre malaise, en réponse aux obsessions. Ces actes obéissent à des règles à appliquer de façon rigide et inflexible et semblent impossibles à dominer. Ils ont pour objectif de neutraliser ou de diminuer l’anxiété ou le sentiment de détresse. Ou encore à empêcher un évènement ou une situation redoutés de se concrétiser.

Ces actes prennent fréquemment la forme de comportements répétitifs, réglés et intentionnels appelés « rituels ». L’acte en question peut sembler approprié mais devient un rituel lorsqu’il est accompli à l’excès, dans la démesure. Il est invalidant au quotidien, car il nuit aux activités sociales, professionnelles, personnelles et est éreintant à cause du temps qu’il prend à exécuter. Il est utile de préciser que certains rituels sont d’ordre intellectuel (ruminer sans fin sur un même sujet, se répéter les mêmes phrases, etc.). Exemples de compulsions : des rituels de lavage ou de désinfection, des vérifications interminables, des répétitions incessantes, le besoin constant de ranger ou de redresser des objets.

Obsession, Compulsion, Répétition : le cycle infernal des TOC :

Les pensées intrusives qui composent les obsessions sont reliées à des peurs, bien ancrées. Un mécanisme dit de “fusion cognitive” est à l’œuvre : on fusionne avec nos pensées, les considérant comme des faits irrémédiables. Ce qui fait particulièrement souffrir, lorsque l’on est sujet.te au TOC, c’est le fait de confondre nos pensées avec la réalité, avec un réel danger. Un danger fortement probable, selon nous, de se concrétiser. Cet état de “fusion cognitive” est à l’origine d’une profonde anxiété, très douloureuse à vivre. Une quête de certitude absolue va alors se mettre en place, dans laquelle on va chercher à s’assurer constamment que nos peurs et les conséquences terrifiantes qu’elles impliquent, ne se réaliseront jamais. C’est une manière de combattre les pensées obsessionnelles qui font tant souffrir, de s’en libérer. On cherche à se garantir que ce qui nous fait peur ne se produira pas. Que l’on peut maîtriser le moindre risque.

On va alors réagir aveuglément à nos peurs, à travers des mécanismes compulsifs de contrôle. Ces compulsions sont la traduction de cette tentative de réassurance, de protection (se protéger de la concrétisation des scénarios envisagés). Notre volonté, à travers ces rituels, est de réduire l’anxiété ressentie. Ce qui vient malheureusement nourrir le cercle vicieux, car plus on contrôle, plus on se persuade que c’est la meilleure solution possible, et moins on se laisse de répit, de liberté de mouvement.

Les compulsions alimentent les obsessions car on donne constamment raison aux doutes : rien n’est jamais sûr et à force de vérifications, on instaure un flou mental de plus en plus grand et vertigineux. L’anxiété a soif de certitudes et va donc continuer à nous inciter à nous assurer de bien tout contrôler, encore et encore. Elle va créer ensuite un autre scénario, qui mettra en relief un autre doute, un autre risque/danger qui guette. Plus on compulse, plus le cerveau déduit qu’il y a un réel danger, car on maintient notre système en alerte. 

C’est ce qui amène une personne sensiblement anxieuse, à tomber dans le piège du TOC (donner du crédit à ses pensées, à ses peurs et y répondre de manière obsessionnelle et compulsive). Prendre conscience de ce piège, permet d’apprendre à l’éviter.

Comment briser l’emprise qu’exerce mes TOC sur moi ?

Il est essentiel, avant toute chose, d’effectuer un travail d’investigation, d’observation de nos TOC : identifier et détailler les obsessions et les compulsions, conscientiser les situations activatrices. Cela permet d’avoir une meilleure vue d’ensemble sur la manière dont notre TOC se manifeste, afin de mieux le comprendre et de se sentir moins perdu.e.

Un travail de  “restructuration cognitive” est ensuite préconisé. C’est une technique issue des TCC (Thérapies Cognitivo-Comportementales). Le but est de remettre en question les pensées obsessionnelles, afin de les déconstruire, de les rendre plus rationnelles. Ces pensées sont issues de croyances dysfonctionnelles : ce que l’on croit fondamentalement vrai, au fond.

Car ce qui est problématique, dans le TOC ce sont les fausses croyances que l’on entretient au sujet de nos pensées. Croire, par exemple, qu’il est possible de contrôler nos pensées, qu’il est possible de prévenir les risques en contrôlant constamment notre environnement, croire que les pensées signifient forcément quelque chose : qu’elles sont dangereuses, qu’elles nous définissent de manière péjorative ('“si je pense ça, c’est que je ne suis pas une bonne personne” ; “si je ne vérifie pas 15 fois que la porte est bien verrouillée, je vais me faire cambrioler” ; “je dois absolument aligner ces objets, sinon un évènement grave va survenir”), croire qu’il est possible d’être absolument certain.e d’éviter tous risques. Ce sont ces croyances qui poussent à combattre nos pensées. Néanmoins, ce combat ne fait que les renforcer, les rendre encore plus obsessionnelles et accentue l’angoisse qui fait adopter les compulsions comme réponse.

Ainsi, modifier/assouplir nos croyances permet de faire preuve d’un meilleur discernement entre ce que l’on anticipe (redoute) et la réalité. Dans le TOC, le cerveau surévalue le danger. En prendre conscience permet de démystifier le trouble.

Rappel important sur les pensées :

Les pensées obsessionnelles ne sont pas des vérités absolues, elles ne reflètent pas la réalité : elles indiquent uniquement les scénarios que l’on redoute, mais qui ne vont pas se concrétiser de manière prophétique. Ces pensées sont le fruit de l’imagination et ne sont pas dangereuses, elles ne signifient rien de plus que ceci : que l’on souffre d’anxiété et que cette anxiété nous tient des discours alarmistes (dans un esprit de protection, de préservation).

Tout le monde peut avoir ce type de pensées. L’essentiel, est de ne pas se juger, de ne pas nourrir indéfiniment l’angoisse qui se cache derrière nos pensées, en tentant constamment de les combattre. Il s’agit de les considérer pour ce qu’elles sont : des pensées, certes effrayantes, mais uniquement des pensées.

 

L’exposition avec prévention de la réponse (EPR) :

C’est une technique qui encourage à s’exposer progressivement à ce qui déclenche les obsessions (peur de faire du mal, peur de la saleté, peur de la maladie, peur de se tromper, etc.) sans effectuer le rituel compulsif. Le terme “Réponse” désigne la réaction habituellement adoptée face aux peurs (les compulsions). Comme nous l’avons vu, le comportement compulsif a pour but d’annuler l’inconfort et l’angoisse générés par les obsessions. C’est pourquoi il est difficile de résister à la tentation de le réaliser. Toutefois, il est fondamental d’apprendre à s’abstenir d’exécuter tout comportement compulsif. Les peurs réapparaissent car on n’apprend jamais à les tolérer et que l’on cède rapidement à nos compulsions, afin de ne plus les ressentir. Mais c’est ce qui empêche de se désensibiliser aux peurs et renforce leur maintien, car elles sont sans cesse réactivées. En effet, plus on cède aux compulsions, plus on nourrit l’angoisse, le doute, les obsessions et on inscrit encore plus dans notre esprit les “dangers” possibles.  Ces compulsions exacerbent l’hypersensibilité  et l’hypervigilance du cerveau face aux peurs.

Il s’agit donc d’apprendre à tolérer l’anxiété en évitant de céder systématiquement aux compulsions afin de ne plus alimenter le trouble, ne plus lui donner tant d’ampleur.

C’est une technique qui se pratique en douceur, en prenant garde à ne jamais brûler les étapes, car le but n’est pas de se brusquer. On commence par affronter les situations les plus accessibles selon nous (les moins aversives), pour augmenter progressivement le niveau de difficulté (vers les situations les plus anxiogènes). La clef est la répétition : faire une situation plusieurs fois, puis passer à la suivante. Lorsque l’anxiété monte, il est essentiel de tolérer sa présence, de l’accepter, malgré l’inconfort qu’elle génère. Cette technique peut être éprouvante, car elle implique de s’exposer à des situations qui effraient, sans avoir recours aux compulsions qui réconfortent. Mais elle va permettre au cerveau de se “reprogrammer”, afin qu’il arrête de réagir si intensément aux situations. Il ne fera plus l’association immédiate suivante : “situation = danger”, ce qui rendra le quotidien plus apaisé.

Plus on progresse dans la diminution des rituels, plus on a tendance à diminuer nos obsessions. Car cela permet d’apprendre (par l’expérience, en renonçant aux rituels qui “sécurisent” de manière éphémère) que le fait de ne pas exécuter de rituel n’aura aucune conséquence sur l’apparition des scénarios catastrophes imaginés : une fois l’intérêt des compulsions remis en cause, on cesse de les réaliser. 

Bon à savoir, afin d’oser s’investir pleinement dans cet exercice :

L’anxiété monte, jusqu’à atteindre un plateau, puis redescend naturellement. Durant l’exposition, respirer, se rappeler que c’est un exercice conçu pour aider, pour se libérer de la prison dans laquelle les TOC nous enferme et pour briser peu à peu sa spirale perverse. Il s’agit d’un exercice pointilleux mais profondément satisfaisant.

Stratégies thérapeutiques additionnelles :

Traitement médicamenteux : est préconisé en complémentarité de la thérapie, si nécessaire. Antidépresseurs ISRS (Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine) : ils augmentent le taux de sérotonine dans le cerveau. La sérotonine est un neurotransmetteur qui permet aux neurones de communiquer entre eux. Elle joue un rôle fondamental dans la régulation de la douleur, de l’appétit, du sommeil, de l’humeur (“molécule du bonheur”), de la digestion, de la gestion de l’anxiété, du stress et du comportement compulsif. Dans les TOC, on constate fréquemment un déséquilibre de la sérotonine.

Mindfulness (Pleine conscience) : aide à diminuer les obsessions et compulsions et le niveau d’anxiété. Permet de s’ancrer plus dans le présent, de ne pas juger les pensées envahissantes, de les laisser circuler, tout comme les émotions ressenties, d’être conscient.e de ce que l’on fait, de ce que l’on met en place. Encourage également à se centrer sur sa respiration, à la réguler, ce qui est aidant lorsque l’on ressent les premiers signes de l’angoisse. 

En conclusion, il est essentiel de :

Prendre conscience de l’emprise qu’exerce le TOC sur nous et qu’il est possible de réagir différemment aux pensées obsessionnelles.

Réaliser que les compulsions ne sont pas « magiques », qu’elles ne sont pas la solution idéale, qu’elles ont des conséquences néfastes (amplifient l’anxiété, fragilisent l’estime de soi, sont chronophages, enferment dans un étau de plus en plus étouffant, car elles font de nous des personnes esclaves de leurs peurs).

Prendre en considération qu’une autre approche est possible. Une approche importante à cultiver, jour après jour. C’est un apprentissage qui nécessite de la patience, un investissement et engagement personnel (temps, efforts, énergie), de la bienveillance, de la compréhension.

Changer les habitudes enracinées que l’on a prise face à nos pensées obsessionnelles prend en effet du temps. Il est humain de souhaiter résoudre des problèmes si invasifs de manière rapide et peu couteuse, en termes d’efforts personnels. C’est néanmoins impossible, car ce fonctionnement ancré ne disparaît malheureusement pas de lui-même. Il s’agit d’être acteur.actrice de notre bien-être, de reprendre progressivement du pouvoir sur notre vie, pour faire reculer nos peurs. Il est naturel d’avoir des phases de “rechutes”, où l’on va retomber dans le piège du TOC. Le processus n’est pas linéaire, et il est essentiel de normaliser ces phases, afin de reprendre progressivement la technique, et de ne pas y renoncer prématurément. Faire le choix, difficile mais conscient, de réagir différemment face aux obsessions. La persévérance est la clé. 

Ne pas oublier, qu’il est impossible d’atteindre un niveau de certitude de 100% et que de mettre en œuvre ces comportements contrôlants, dans le but de réduire le risque à 0, est une tentative vaine, irréaliste et irréalisable, qui ne fait qu’accentuer les doutes et enraciner la souffrance ressentie. Le traitement du TOC passe par l’acceptation que l’incertitude fasse partie de la vie. Le fait de vivre implique en effet certains risques. Lutter contre ce fait, ne fait qu’accentuer les obsessions et les compulsions. C’est une lutte sans fin, épuisante.

Vous n’êtes pas seul.e à mener cette lutte contre le TOC. Si vous en éprouvez le besoin, n’hésitez pas à me contacter afin que nous menions ce travail ensemble.

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Estime de soi, comment apprendre à la renforcer au quotidien ?